Préambule : désolée pour le nombre de liens dans cette note, mais il est difficile de faire un compromis entre lisibilité/longueur de la note et « exhaustivité »/nuance des informations sur ce sujet qui prête à polémique.

Les îles Féroces, ce sont bien sûr les Féroé. Le sujet avait déjà été évoqué dans les commentaires de cette autre note il y a un an et demi, en parlant du massacre des dauphins par le Japon. Ici ce n’est pas de l’autre côté de la planète, c’est juste à côté de chez nous. Les 18 îles Féroé (en féringien : Føroyar, en danois : Færøerne) appartiennent au Danemark… mais ne jetons pas la pierre aux Danois pour autant ! Ces îles possèdent leur propre gouvernement et ont une très large autonomie.

J’en parle aujourd’hui car 006 m’a envoyé un lien vers un article de Marianne évoquant cette tradition barbare : chaque année, les îliens massacrent des dauphins jusqu’à en rougir la mer. Ce rituel séculaire, auquel assistent aussi des enfants, est dénoncé depuis longtemps par différentes organisations : dès 1983 la Sea Shepherd (considérée par certains comme une organisation « éco-terroriste ») avait tenté de s’y opposer.

En 1985, le Sea Shepherd II devient le premier navire de protection de la nature à venir s’opposer au massacre des globicéphales perpétré aux Îles Féroé. Le Capitaine Paul Watson et son équipage rencontrent alors le Premier Ministre des Féroé et le préviennent que la Sea Shepherd Conservation Society va lancer une campagne contre le massacre illégal des globicéphales.

En Juillet 1986, le Sea Shepherd II lève l’ancre et part en direction des îles Féroé pour témoigner du massacre et perturber la chasse « sportive » au globicéphale. Le Capitaine envoie 5 membres d’équipage parlementer avec le gouvernement. Ceux-ci sont arrêtés et maintenus prisonniers sans charge. Le Sea Shepherd II refuse de quitter les eaux féroïennes tant que les détenus ne seront pas relâchés. Les féroïens répondent par des attaques au gaz lacrymogène et au fusil. Paul Watson voit passer une balle à moins d’un pouce de sa tête et ordonne alors à son équipage de se défendre à l’aide des lances à eau et des canons chargés de garniture pour gâteau au chocolat et pour tarte au citron. Les assaillants féroïens sont humiliés et le Sea Shepherd II parvient à prendre la fuite avec nombres de documents témoignant du massacre des cétacés et d’une intense confrontation. L’incident est retransmis au travers d’un documentaire primé, produit par la BBC, intitulé « Black Harvest » (NdDDC : « Moisson Noire »).

(…)

En juillet 2000, l’Ocean Warrior navigue jusqu’aux îles Féroé pour s’opposer au massacre annuel des globicéphales. Encore une fois, cette chasse fait la une des médias en Europe. Sea Shepherd organise une pression économique sur les entreprises qui, comme le géant Unilever, achètent encore des produits de la mer en provenance des Féroé (90% de leur économie). Plus de 20 000 commerces européens mettent un terme à leur contrat avec les Féroé sur demande de Sea Shepherd.

Dans l’article de Marianne, les photos de ce loisir sanguinaire sont dures mais, en tant qu’images figées, je les trouve plus « supportables » (si je puis dire !) que la vidéo japonnaise. Elles semblent curieusement dater de 2005 (j’ai essayé autant que faire se peut de recroiser les informations mais ce n’est pas toujours évident). Les photos se trouvent à la fin de l’article donc vous pouvez aller le lire sans crainte. Je relaie seulement une vue d’ensemble, pour montrer l’ampleur de ce massacre : de l’ordre de 1500 à 2000 cétacés, dont une majeure partie globicéphales, en seraient victimes chaque année.
Si vous cherchez « grindadráp » dans flickr vous trouverez de nombreuses autres photos qui témoignent de cette boucherie…

feroe

A noter, le commentaire de Jean-Paul (n°43) dont voici un large extrait car je le trouve très intéressant :

On remarquera en passant que les images sont estampillées « lail-alsahara.com », site saoudien. On aura donc compris qu’il s’agit de la réponse du berger à la bergère autour de la fête de l’Aïd el Kebir, où on montre que les Vikings peuvent se comporter avec des cétacés comme les musulmans avec les moutons. Ironie du sort, Féroe (Føroyar) veut dire « îles des moutons ».
(…)
L’archipel Féroé est danois. Mais il s’agit (comme le Groenland) d’une région autonome, avec son drapeau, son gouvernement et son parlement locaux, qui ne fait pas partie de la Communauté Européenne (à l’instar de nos Territoires d’Outre Mer). En fait les Féroé ont choisi de ne pas faire suivre le Danemark dans l’UE pour ne pas être soumises aux règles communautaires sur la pêche. Il existe dans cet archipel de 48 000 habitants un fort courant politique indépendantiste.

Comment réagir ?
Il faut savoir que cette pratique fait l’objet de protestations depuis 1984. Ces campagnes ont probablement eu certains effets : le harpon de chasse (avec lequel on hissait l’animal sur le bateau) a été interdit par les autorités féringiennes en 1986, la lance (avec laquelle on tirait un des globicéphales vers le rivage pour attirer le groupe) a été interdite en 1995, les crochets pointus, avec lesquels les hommes dans l’eau agrippaient les animaux n’importe où pour les échouer sur le rivage, ont été remplacées à partir de 1998 par des crochets émoussés agrippant l’évent.
Les Féroé ont mis en place une page internet http://www.whaling.fo/thepilot.htm (pilot whale = globicéphale), pour expliquer et justifier cette chasse.

On peut continuer à agir :
(…)
– En protestant auprès :
(…)
* et surtout des autorités féringiennes :
– le bureau du Premier Ministre
Løgmansskrivstovan
Tinganes
Postboks 64
FO- 110 Tórshavn
Faroe Islands

Fax: +298 351015
mail: info@tinganes.fo
et lms@fl.fo (Dpt des affaires étrangères)

– Le Parlement
Føroya Løgting
Tinghúsvegur 1-3
Postboks 208
FO- 100 Tórshavn
Faroe Islands

Fax : +298 363901
mail : logting@logting.fo

Pas besoin d’en mettre une tartine, ils ont l’habitude, une petite phrase suffit, genre :
« I ask the Faroes to stop the slaughter of pilot whales, which is unacceptably cruel, and is no longer a necessary food source for the population.
Sincerely
»

Certains comparent cette cruelle tradition avec celle non moins exécrable de la tauromachie. J’ignore si le nombre de victimes est comparable mais au moins une chose ne l’est pas, à mon sens : la fragilité de l’espèce.

Extrait du site de la Swiss Cetacean Society (oui je sais ça fait bizarre que ce soit suisse !) :

Pour des raisons de traditions, il ne se passe pas une saison sur les Iles Féroé sans que des bateaux à moteur encerclent les globicéphales (Globicephala melaena) passant à proximité des côtes, pour les ramener dans une baie peu profonde. Ils sont ensuite attrapés puis tirés sur la plage au moyen de longues gaffes munies d’un crochet leur infligeant de profondes blessures, souvent aux yeux ou dans l’évent. Les chasseurs s’efforcent ensuite d’achever l’animal au couteau, lui sectionnant la carotide et la moelle épinière en tranchant profondément juste derrière l’évent. Mais fréquemment ils n’y parviennent pas et l’agonie se prolonge alors plus de 15 minutes. Le reste du groupe assiste au massacre, et les cétacés saisis d’une terreur panique s’infligent quantité de blessures supplémentaires. La totalité d’un troupeau de globicéphales, femelles enceintes et petits confondus, est ainsi exterminée au cours d’une prétendue “manifestation folklorique”. Les dauphins qui accompagnent fréquemment les globicéphales sont eux aussi massacrés sans merci.

Pour la seule année 1996, 1′392 globicéphales et 324 dauphins bleus et blancs (Stenella coeruleoalba), une espèce pourtant protégée, ont trouvé la mort de cette façon abominable. Ce véritable bain de sang va à l’encontre de la législation internationale protégeant les mammifères marins (Conventions de Berne et de Bonn); quant aux quelques dispositions prises dans la législation locale, les habitants de Iles Féroé semblent n’en avoir cure.

On se doit certes de respecter les traditions des autres peuples, mais à considérer celles-ci isolément, nous négligeons gravement nos devoirs envers le monde végétal et animal. De surcroît, la chasse au globicéphale telle qu’elle est pratiquée aujourd’hui n’a vraiment plus grand chose à voir avec une quelconque tradition : entre les hors-bord super rapides, sonars, échographes, appareils radios et autres moyens high tech utilisés actuellement pour traquer le cétacé, on ne lui laisse plus aucune chance. Depuis l’encerclement des animaux en haute mer jusqu’au massacre dans la baie, où ils assistent impuissants à la mise à mort de leurs congénères, nageant littéralement dans leur sang en attendant leur tour, il s’écoule plusieurs heures d’une brutalité sans nom.

Vous êtes horrifiés, révoltés ? Alors s’il vous plaît regardons une petite minute dans nos propres assiettes… Nous en avons moins conscience, c’est (rendu) moins visible, c’est sans doute moins impressionnant qu’une mer de sang et ce sont des bestioles moins « mignonnes » que les dauphins dont on vante qui plus est particulièrement l’intelligence, la sociabilité, la sensibilité, la richesse du langage, etc. Mais fondamentalement, ce qu’il se passe dans notre assiette n’est pas si différent.
Pour ne pas encourager cela, mangeons moins (ou pas) de viande et de poisson, et évitons le plus possible les élevages industriels (l’un dans l’autre ça se compensera au niveau du portefeuille)…

Mon but en concluant ainsi n’est pas de culpabiliser qui que ce soit, mais de rendre conscient que la grande majorité des poules, boeufs, veaux, agneaux, poissons, etc. que nous mangeons sont traités et tués avec la même indifférence.
Je ne suis personnellement pas « 100% végétarienne » et ne le deviendrai peut-être jamais, mais je crois qu’en consommant autrement on peut changer beaucoup de choses… sans doute plus qu’en signant les pétitions qui fleurissent en ce moment contre les îles Féroé, ce qui n’empêche bien sûr pas ceux qui le souhaitent de les signer 😉